Qu’est-ce qu’on entend par le terme « résidence alternée » ?
La résidence alternée fait référence à une condition où le lieu de vie d’un ou de plusieurs enfants mineurs n’est pas attribué au domicile d’un des parents séparés, mais plutôt alternativement chez chacun des parents, en fonction d’une fréquence et d’une durée convenues conventionnellement ou décidées par une justice gracieuse ou litigieuse.
Ainsi, l’enfant n’a pas un seul domicile principal, mais plutôt deux lieux de résidence, ce qui signifie qu’il peut potentiellement être domicilié à deux adresses différentes. Malgré la séparation de ses parents, il continue de vivre à la fois chez son père et chez sa mère, et il est considéré comme domicilié chez les deux.
En quoi se distinguent la résidence alternée et la garde alternée ?
Les termes résidence alternée et garde alternée peuvent être utilisés de manière interchangeable, car ils se réfèrent au même concept. Toutefois, en droit français, il est recommandé d’utiliser le terme résidence alternée, tel qu’établi par l’article 373-2-9 du code civil qui stipule que « la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ». Plusieurs autres codes, dont le code des impôts, le code de l’action sociale et des familles, le code de la sécurité sociale, le code de la construction et de l’habitation, emploient également le terme résidence alternée, qui est de surcroît fréquemment utilisé par la jurisprudence constitutionnelle, judiciaire et administrative.
Quelle est la distance recommandée entre les domiciles des parents pour une résidence alternée ?
Il n’y a pas de règle légale ou réglementaire spécifique quant à la distance entre les domiciles des parents pour instaurer une résidence alternée. Cependant, lors d’un jugement, la distance est un élément considéré par les juges pour accepter ou rejeter la mise en place d’une résidence alternée. Le but est de prévenir des trajets trop longs qui pourraient entraîner une fatigue excessive chez les enfants. Ce critère est évalué différemment en fonction de l’âge des enfants concernés.
En général, une distance entraînant un temps de déplacement inférieur à 15 minutes ne motive guère un refus. Si le trajet dure entre 15 et 30 minutes, les juges sont plus enclins à refuser la résidence alternée. Passé 30 minutes, à moins de cas spécifiques, les demandes de résidence alternée sont souvent rejetées pour cette raison. La distance entre les domiciles des parents et l’école des enfants est aussi prise en compte. Si les enfants changent de domicile lors des sorties et rentrées scolaires, c’est cette distance qui est principalement examinée, plutôt que la distance entre les domiciles des parents.
Selon les statistiques de l’INSEE, 37 % des enfants en résidence alternée ont leurs deux parents qui vivent dans la même ville.
Quelle est la durée recommandée pour la résidence alternée ?
Comme c’est le cas pour la distance, il n’y a pas de durée légale ou réglementaire pour la résidence alternée. Cette dernière ne proscrit pas des divisions inégales entre les parents. Cependant, les experts s’entendent généralement pour dire que pour qu’il y ait une véritable résidence alternée, l’enfant doit passer au moins 40% de l’année avec chacun de ses parents et 40% du temps avec l’un de ses parents pendant les périodes scolaires. Il est important de noter que l’administration fiscale estime qu’une répartition de 3 mois avec un parent et 9 mois avec l’autre (soit un ratio de 76,7 % contre 33,3 %), définit une résidence principale chez l’un des parents (BOPI 5 B-3-04), et non une résidence alternée.
En pratique, la résidence alternée est souvent répartie de manière égale entre les parents, suivie par des configurations de type 60%-40%. Les autres types de résidences alternées sont peu courants.
À quel âge peut-on mettre en place une résidence alternée ?
Il est possible d’instaurer une résidence alternée à tout âge, étant donné que la loi n’a établi aucune restriction d’âge. Les recherches les plus récentes indiquent que la résidence alternée est bénéfique, y compris pour les enfants de moins de 5 ans.
Ces études montrent que les enfants de moins de 5 ans en résidence alternée présentent moins de troubles psychologiques que ceux dont la résidence est établie chez l’un des parents. Pour les enfants de moins de 3 ans, ces avantages sont conservés, même si le nombre de nuits passées est égal chez les deux parents.
Il est également important de mentionner que, selon les dernières statistiques de l’INSEE sur la résidence alternée, « La résidence alternée est une situation stable pour une majorité d’enfants concernés », y compris pour les enfants de 0 à 4 ans. Seuls 14% des enfants de cette tranche d’âge ne sont plus en résidence alternée alors qu’ils l’étaient l’année précédente (ce qui signifie que 86% y restent d’une année sur l’autre), et sur une période de 5 ans, les deux tiers des enfants maintiennent une résidence alternée.
Quelle est la fréquence recommandée pour la résidence alternée ?
La résidence alternée implique un cycle ayant une certaine régularité. Toutes les fréquences et tous les types de calendriers sont envisageables, des plus courts, comme 1 jour/1 jour, aux plus longs, comme 1 an/1 an. Cependant, le rythme hebdomadaire est le plus couramment utilisé (par 89% des parents alternants). Certains parents alternent sur une base quinzomadaire ou mensuelle (4%). Pour les enfants en bas âge, des fréquences d’alternance plus rapides sur 1,2,3 jours peuvent être privilégiées.
On peut citer parmi les modes d’alternance existants : 2-2-5-5, 2-2-3, hebdomadaire, quinzaine, 2-2, 3-4-4-3, 4-3 (plus d’explications ici).
Il est important de noter que, du point de vue de l’administration fiscale, si la présence de l’enfant correspond à des périodes regroupées dans le temps, comme les vacances scolaires par exemple, on considère généralement que, sauf preuve contraire, l’enfant ne réside pas alternativement chez chacun de ses parents. Cependant, cela n’est vrai que d’un point de vue strictement fiscal.
Quels sont les livres recommandés sur la résidence alternée ?
Pour les parents, nous suggérons de lire le livre intitulé « Une semaine sur deux, Comment les parents séparés se réinventent ».
Pour les enfants, le livre « Chez papa, et chez maman » est recommandé.
Quels bénéfices la résidence alternée apporte-t-elle aux parents ?
Après avoir démontré les avantages de la résidence alternée pour les enfants, les chercheurs ont voulu savoir si ces bénéfices s’étendaient également aux parents. Leur hypothèse était que des parents en bonne santé et ayant un niveau de bien-être élevé seraient de meilleurs parents, ce qui pourrait expliquer pourquoi les enfants en résidence alternée semblent obtenir de meilleurs résultats, dans le cadre d’un cercle vertueux.
Les résultats des études ont montré que pour les mères, le gain de temps libre pour les loisirs était positivement lié à leur bien-être et à une meilleure santé autodéclarée. Les mères ont notamment signalé une moindre contrainte de temps en résidence alternée, et en particulier une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, avec notamment des taux d’emploi plus élevés que ceux des mères dont la résidence a été fixée à leur domicile exclusivement.
La même observation a été faite pour le bien-être des pères (par rapport aux parents séparés dont les enfants résident uniquement ou principalement chez la mère). Il a ainsi été démontré de façon générale que la résidence alternée réduit le stress et la charge de travail des parents, et contribue à améliorer leurs ressources financières, leur santé, et l’équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.
De plus, les parents en résidence alternée ont rapporté moins de conflits (actuels et passés) que les parents ayant la garde exclusive. En général, les relations parent-enfant après la séparation sont meilleures (pour les deux parents) dans le cadre de la résidence alternée que dans les situations de garde exclusive.
Quels bénéfices fiscaux sont liés à la résidence alternée ?
Pour les parents pratiquant la résidence alternée, ils ont la possibilité de diviser les parts fiscales associées à leurs enfants. Si ces parents vivent seuls, ils ont également la faculté de se déclarer en tant que « parent isolé ». Toutefois, lorsqu’ils profitent du partage des parts fiscales, ils ne peuvent pas déduire les montants versés à l’autre parent pour la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
Quelle forme de résidence alternée est la plus courante ?
La forme de résidence alternée la plus couramment pratiquée concerne les enfants âgés de 6 à 15 ans, suivant un rythme hebdomadaire d’alternance, avec une continuité de l’alternance pendant les petites vacances scolaires et une division par moitié pour les longues vacances. Il n’y a généralement pas de contribution financière pour l’entretien et l’éducation de l’enfant versée à l’autre parent.
Est-il nécessaire de rédiger un accord parental pour la garde alternée ?
La mise en place d’un accord parental concernant la résidence alternée n’est pas une obligation. Cependant, cet accord peut s’avérer pratique, servir de preuve, et si l’accord est homologué, il peut avoir une force exécutoire. Toutefois, de nombreux parents optent pour la résidence alternée sur la base d’un accord verbal. Cela offre une plus grande flexibilité, mais repose sur une confiance mutuelle et une bonne entente entre les parents pour que la coparentalité reste loyale et de bonne foi.
Doit-on faire homologuer un accord parental de résidence alternée ?
Si vous souhaitez donner à cet accord un caractère obligatoire et exécutoire, le rendre opposable à des tiers et renforcer sa valeur probatoire, alors la réponse est oui. Avec un accord homologué, l’un des parents peut demander son exécution forcée en cas de non-représentation d’enfant ou de non-paiement de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant prévue par l’accord.
Pour les très jeunes enfants (notamment ceux de moins de 3 ans), il est recommandé aux pères d’être prudents avant de demander une homologation. Certains juges sont fondamentalement opposés à la résidence alternée et refuseront d’homologuer l’accord.
Comment peut-on obtenir l’homologation d’un accord parental instaurant une résidence alternée ?
La première approche consiste à faire appel au juge des affaires familiales par requête conjointe. Selon l’article 1143 du Code de Procédure Civile, le juge peut homologuer l’accord parental « sans débat, à moins qu’il ne juge nécessaire d’entendre les parties ». Dans ce dernier cas, le magistrat convoquera les parents.
La deuxième approche consiste à faire homologuer l’accord par la Caisse d’allocations familiales, en vertu de l’article L. 582-2 du Code de la Sécurité sociale. Cependant, ce type d’homologation concerne uniquement le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et ne s’applique pas aux autres aspects de l’accord parental. Si l’accord de résidence alternée est homologué, la partie de l’accord parental fixant la contribution financière aura la force d’un jugement et constituera un titre exécutoire selon le 6° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution.
Est-ce que la garde alternée est plus coûteuse que la résidence fixée chez l’un des parents ?
Il est vrai qu’il peut y avoir des coûts supplémentaires avec la résidence alternée par rapport aux familles de parents non séparés, car les parents en alternance réalisent généralement très peu d’économies d’échelle. Cependant, il n’a jamais été prouvé que la résidence alternée engendre des coûts significativement plus élevés par rapport à la garde classique. Dans le cas d’une garde classique, le père et la mère doivent de toute façon disposer de deux logements suffisamment grands et correctement meublés pour accueillir leurs enfants. Or, le logement représente la dépense la plus importante pour les familles.
Combien d’enfants vivent en résidence alternée en France ?
Selon l’INSEE, en 2020, 480 000 enfants mineurs vivaient en résidence alternée, soit 12% des enfants de parents séparés, ce qui équivaut à plus d’un enfant sur 10. En 2016, toujours selon l’INSEE, ils étaient 400 000. La résidence alternée connaît une croissance d’année en année. Le nombre de ce type de garde a plus que doublé entre 2010 et 2016, ce qui témoigne de l’attrait des nouvelles générations pour la résidence alternée.
Quels sont les pays européens où la résidence alternée est la plus courante ?
Selon une recherche menée par le Parlement européen (page 22), en citant plusieurs études statistiques, on trouve les estimations suivantes selon les dernières recherches disponibles dans les pays cités :
Suède : 35% Norvège : 25% Belgique : Entre 21 et 25% Pays-Bas : 28% Espagne : 15%
Pour rappel (voir supra), en France en 2020, seulement 12% des enfants vivaient en résidence alternée. Ce retard est dû à l’absence de législation encourageant ce type de résidence et à l’attitude des juges.
Qu’est-ce que la résidence alternée inversée ?
La résidence alternée inversée est une situation où le lieu de résidence des enfants ne change pas, ce sont plutôt les parents séparés qui alternent dans le lieu de résidence de l’enfant ou des enfants. Cette solution est présentée comme offrant une plus grande stabilité dans les habitudes de vie des enfants et moins de contraintes matérielles. Elle implique généralement trois domiciles, ce qui est donc une solution coûteuse, même si elle évite de doubler certains achats pour les enfants.
Est-il obligatoire de faire appel à un avocat pour mettre en place une résidence alternée ?
Si la situation n’est pas conflictuelle, la rédaction d’un éventuel accord parental, ainsi que son éventuelle homologation par un juge, ne nécessitent pas nécessairement l’intervention d’un avocat. Notre cabinet propose des modèles d’accords parentaux spécialement adaptés à la résidence alternée.
Cependant, un avocat spécialisé dans les résidences alternées pourra vous conseiller efficacement pour sa mise en place. Il rédigera l’accord de manière à minimiser les problèmes pratiques et s’assurera que l’intérêt de l’enfant a été préservé en vue d’une éventuelle homologation.
Dans un contexte conflictuel, bien que l’assistance d’un avocat ne soit pas obligatoire devant le juge des affaires familiales, il est fortement recommandé pour les pères de consulter un avocat qui connaît bien ce type de contentieux.
Est-ce que l’existence d’un conflit entre les parents constitue juridiquement un obstacle à la résidence alternée ?
Aucun texte de loi n’établit l’absence de conflit entre les parents comme un critère de résidence alternée. Cependant, il est vrai que certains juges utilisent l’existence d’un conflit comme prétexte pour refuser la mise en place d’une résidence alternée. Il est donc particulièrement important, notamment pour les pères, de ne pas être à l’origine ou d’entretenir un conflit.
Il faut noter que si la mère entretient un conflit pour faire obstacle à la résidence alternée, de plus en plus de juges, particulièrement avertis, ne se laissent pas tromper et ordonnent tout de même la résidence alternée, ou ordonnent même la résidence chez le père en partant du principe que la mère, par son comportement, démontre qu’elle n’est pas capable de préserver la place du père ou d’adopter une attitude responsable envers l’enfant.
Quels sont les critères qui favorisent la mise en place d’une résidence alternée ?
- L’existence préalable d’une résidence alternée mise en place par les parents.
- Des parents qui se respectent mutuellement et qui sont capables de dialoguer et de s’organiser ensemble.
- La disponibilité du père (par exemple, pour récupérer l’enfant après l’école). En raison de stéréotypes de genre, les pères sont souvent appelés à prouver leur disponibilité.
- Une faible distance géographique entre les domiciles des parents, pour éviter par exemple des temps de trajet trop longs pour l’enfant ou des perturbations de son sommeil.
- Le souhait exprimé par l’enfant de vivre dans le cadre d’une résidence alternée.
- La capacité du père à assumer ses devoirs (implication dans l’éducation des enfants).
- La capacité du père à respecter les droits de la mère (par exemple, respect des horaires et des jours d’alternance).
- Des avis favorables des expertises et enquêtes sociales.
Une étude publiée dans la revue AJ famille en décembre 2011, qui analyse deux cents arrêts de cours d’appel, a montré que lorsque la résidence alternée était ordonnée, les éléments pris en compte par le juge étaient les suivants :
- la nécessité de maintenir ou de rétablir des relations équilibrées avec chacun des parents : 27 %,
- l’existence d’une pratique antérieure de résidence alternée : 24 %
- la proximité des domiciles parentaux respectifs : 18 %
- les capacités éducatives de chacun des parents : 16 %
- les conditions matérielles d’accueil au domicile des parents : 15 %
- les disponibilités de chacun des parents : 13 %
- la nécessité de désamorcer le conflit parental : 13 %
- la clarté du dispositif pour l’enfant : 7 %
- l’âge suffisant de l’enfant : 7 %
- l’absence de risque prouvé pour l’enfant : 6 %
- le souhait exprimé par le mineur : 4 %
- l’existence d’un suivi des parents pour résoudre le conflit : 4 %
Peut-on ordonner une résidence alternée à titre provisoire ?
Oui. Selon l’article 373-2-9 du code civil français, « à la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ». Une résidence alternée à titre provisoire permet d’évaluer la faisabilité de ce mode de garde.
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